C’est une question qui nous est régulièrement posée dans les formations.
Il est vrai que le Pr Antoine Guedeney, auteur de l’Échelle ADBB, est une figure de la théorie de l’attachement en France et dans le monde. Il n’est pas rare aussi que dans la formation approfondie à l’ADBB, nous portions une attention spécifique à l’attachement et enfin, il est vrai aussi que lorsque l’on s’intéresse aux interactions précoces, et c’est le cas avec l’ADBB, la théorie de l’attachement n’est jamais très loin.

Quelques éléments de réponse :

La réponse est NON, avec l’ADBB, on ne peut pas évaluer l’ attachement, mais on peut faire mieux : on peut détecter un signal d’alarme qui vient du bébé et qui nous informe que quelque chose dans son environnement ou dans son développement, parfois les deux, vient gêner l’organisation de sa stratégie d’attachement.
Le plus de l’ADBB est que de surcroit, on peut identifier ce signal d’ alarme très en amont d’une symptomatologie explicite, et avant qu’aucune échelle d’observation du comportement d’attachement ne soit valide puisque la stratégie d’attachement n’est observable au plus tôt qu’à partir de 9-10 mois d’âge de l’enfant.

On sait que le retrait relationnel chronique, ce qu’évalue l’ADBB, est le signe observable chez l’enfant, d’une dysinchromie chronique des interactions parent-enfant qui impacte sa capacité d’entrer en relation. En l’absence de facteurs organiques explicatifs tel qu’un trouble de la vision / de l’audition, la dysinchronie dyadique (triadique) s’inscrit toujours dans une difficulté psychique du parent. En effet, l’incapacité ou la difficulté à répondre aux besoins d’un bébé s’ancre dans l’histoire du parent et son contexte de vie, le stress qu’il subit. ..

Les liens entre le retrait relationnel et l’attachement dit « désorganisé ».

Le parent peut alors, parce qui il est lui-même effrayé par la vie, qu’il rencontre des difficultés psychiques particulières, devenir effrayant pour son enfant soit en ne répondant pas à ses besoins, soit en répondant de façon inadéquate, imprévisible, dangereuse, ou même effrayante.
Pour l’enfant, il est alors difficile d’organiser son comportement, de s’adapter à ce parent là pour s’assurer des  soins continus et suffisants d’un adulte protecteur.  Sa stratégie d’attachement va s’en ressentir.

L’attachement dit” désorganisé” nous intéresse particulièrement  dans ce contexte car contrairement aux stratégies d’attachement sous optimale insécures mais organisées, il est corrélé à un risque développementale accrue.

Le retrait Relationnel : un stratégie pour attendre quand tout ne va pas bien…

Le retrait relationnel du bébé pourrait alors être compris comme une adaptation au contexte mise en oeuvre par le bébé et génétiquement programmée (le retrait relationnel est universellement présent dans toute les cultures) pour promouvoir la survie. C’est  un comportement d’attente économique du bébé. Il attend que son développement lui offre d’autres ressources pour organiser sa stratégie d’attachement ou que son environnement évolue.

L’apport de l’ADBB dans les évaluations attachement informées.

Donc, avec l’ADBB, on n’évalue pas l’attachement mais la présence d’ un signal d’alarme comportementale venant du bébé qui nous informe que les éléments précurseurs relationnels à la base de l’organisation de la stratégie d’attachement ne fonctionnent peut-être pas aussi bien qu’on le souhaiterait dans une perspective de prévention de la psychopathologie.De ce fait, si l’ADBB n’évalue pas l’attachement à proprement parlé, elle fait tout à fait partie de l’arsenal pour l’évaluation et l’interventions attachement informée. Elle peut ainsi être utilisée tout les fois que l’on se pose des questions sur le lien parent/bébé.

L’apport de l’ADBB dans les évaluations de l’efficacité des interventions.

D’ailleurs , on a pu mettre en évidence que le niveau de retrait relationnel baisse lorsque l’on fait de interventions centrées sur la relation notamment en utilisant la vidéo intéaraction. Dans les dyades ayant pu bénéficier d’intervention centré sur les relations, il y a une de retrait relationnel des  bébés après intervention. ainsi, si l’on améliore la sensibilité parentale, que l’on fait une intervention attachement informée dans le but de promouvoir l’attachement le plus sécure possible, l’ADBB va permettre de mettre en évidence l’effectivité de ce type d’intervention en montrant l’évolution du comportement de retrait relationnel du bébé.

Pistes de recherche

Pour conclure lorsque l’on observe un bébé dans la situation étrange (procédure « GOLD STANDART » d’évaluation de l’attachement), donc entre les âges de 12 et 18 mois, on peut être frappé par les variations de retrait relationnel (que l’on qualifier alors de réactionnel) observables d’un moment à l’autre de la procédure. Ainsi, au cours de la formation et pour les stratégies d’attachement non-cliniques, les bébés utilisant une stratégie de type A (hypo activation) sont plus en retrait en présence de la figure d’attachement et plus engagés relationnellement en présence de l’étrangère. L’enfant utilisant une stratégie de type B (Balanced = équilibrée) peut exprimer un petit moment de retrait relationnel à l’arrivée l’étrangère, ce qui est un comportement sain et normal. Enfin, un enfant utilisant une stratégie de type C d’hyperactivation des signaux d’attachement peut exprimer du retrait relationnel un peu constant mais à des niveaux faibles et juste cliniques, ce qui fait sens et peut s’expliquer par le fait que la stratégie d’hyperactivation des signaux d’attachement ne fait pas bon ménage avec la stratégie d’économie du retrait relationnel et ne serait pas fonctionnelle dyadiquement.

Ces observations sont purement empiriques et une validation scientifique serait passionnante. Si de tel profils pouvaient être validés alors il serait envisageable d’évaluer l’attachement avec l’ADBB. Mais nous n’y sommes pas encore. En attendant, si vous souhaitez en savoir un peu plus sur le comportement de retrait relationnel, ses liens avec l’attachement et la psychopathologie et surtout pour apprendre le détecter et évaluer à l’aide de l’échelle ADBB, rendez-vous sur le site de la formation en ligne.

References :

Costa, R., & Figueiredo, B. (2012). Infants’ behavioral and physiological profile and mother–infant interaction. International Journal of Behavioral Development, 36(3), 205-214.

Tereno, S., Madigan, S., Lyons-Ruth, K., Plamondon, A., Atkinson, L., Guedeney, N., . . . Guedeney, A. (2017). Assessing a change mechanism in a randomized home-visiting trial: Reducing disrupted maternal communication decreases infant disorganization. Development and Psychopathology, 29(2), 637-649. doi:http://dx.doi.org.proxy.bnl.lu/10.1017/S0954579417000232

Puura, K., Guedeney, A., Mäntymaa, M., & Tamminen, T. (2007). Detecting infants in need: Are complicated measures really necessary?. Infant Mental Health Journal28(4), 409-421.

(Guedeney, A., Guedeney, N., Tereno, S., Dugravier, R., Greacen, T., Welniarz, B., & Saias, T. (2011). The time of the infant, parent-infant desynchronization and attachment disorganization. Or ow long does it take for a preventive action to be effective?.)